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Cartes : écrire l'espace de la première personne
Quentin Morcrette  1@  
1 : Université Lyon 2 - UMR 5600 (EVS) - Institut de Recherches Géographiques  (IRG)
Université Lyon 2, Région Rhônes-Alpes, ARC 5 - Sciences, cultures, sociétés et médiations
5 avenue Pierre Mendes-France, 69676, Bron, Cedex -  France

Les médiums et les moyens servant à accompagner et à faciliter les mobilités dans le domaine de l'orientation ont pris des formes variées durant les trois derniers siècles. Après l'usage de listes textuelles, les représentations cartographiques se sont répandues à partir du dix-huitième siècle (Delano-Smith, 2006). Les cartes routières se sont développées, pour les besoins des vélocipédistes, à la toute fin du dix-neuvième siècle, avant d'être utilisées pour les mobilités automobiles. Ces cartes avaient pour but premier de représenter avec précision l'ensemble du réseau routier. Aujourd'hui, l'usage des cartes numériques pour des besoins de mobilité semble faire la part belle à l'itinéraire (Grataloup, 2011; Thielmann, 2007) plus qu'au réseau.

La consultation d'itinéraires pour se déplacer d'un lieu à un autre devient ainsi, d'une part, de plus en plus fréquente chez les individus, d'autre part, ce type de représentation est de plus en plus mis en avant par les fournisseurs de services cartographiques. Dans le même temps, tandis que l'option de recherche d'itinéraire est proposée par tous les grands opérateurs de cartographie numérique, la carte routière (sous forme papier) semble indubitablement devoir rester dans la boîte à gant jusqu'à la prochaine perte de réseau.

En revenant sur l'histoire de la cartographie d'itinéraire commerciale, l'enjeu de cette communication est de proposer une vision de la cartographie d'itinéraire comme une cartographie centrée sur l'individu.

Les cartes d'itinéraire, représentations qui s'opposent à la conception classique de cartes comme théâtre (ce lieu d'où l'on voit le monde comme une image neutre, à plat) gagnent à être analysées selon le rapport centre / périphérie inhérent à cette représentation. On peut dire que la carte de géographie classique rend compte de la disposition relative des traits géographiques du territoire concerné. A l'inverse, cette communication soutient l'idée que la carte d'itinéraire relègue ces spécificités dans la marge pour mettre l'individu au centre.

Cette communication s'intéressera donc aux cartes d'itinéraire utilisées pour se guider, durant des phases de mobilités, ou bien durant des phases préparatoires à la mobilité.

A partir d'un corpus de cartes françaises et américaines, créées entre le début de 20ème et le début du 21ème siècle, pour des déplacements en majorités motorisés, nous analyserons comment la représentation cartographique participe à la création d'un espace perçu sur un mode hodologique et centrée sur l'individu.

L'enjeu est donc à la fois de replacer les cartes numériques actuelles dans une histoire plus vaste de la cartographie d'itinéraire et de questionner les informations géographiques qu'elles contiennent.

Les exemples qui seront retenus sont de trois types : cartes d'itinéraire du début du 20ème siècle, liées au premier développement de l'automobile, dans le contexte d'une signalisation routière relativement absente. Cartes d'itinéraire liées à la publicité dans le seconde moitié du 20ème siècle. Enfin, cartes d'itinéraire numériques, créées à la demande et dont l'usage est, par définition multiple, aujourd'hui.

L'enjeu d'une approche diachronique est de permettre de replacer la cartographie de l'itinéraire dans une histoire générale de la cartographie, comme une catégorie à part entière. L'étude se doublera d'une attention portée à la sémiologie cartographique, et au médium, dans l'optique d'une analyse de la « marge » cartographique. Entendue au sens de ce qui est en dehors de la carte.

Au final, cette communication entend faire écho à l'étude de la cartographie narrative en soutenant que la cartographie commerciale d'itinéraire peu s'interpréter comme une forme de personnalisation de la représentation cartographique.

Dans la mesure où ce genre de production est de plus en plus fréquemment utilisé et que l'on considère la carte comme un opérateur cognitif, cela mène à formuler l'hypothèse question de la fabrique d'une perception plus fragmentée du territoire.

 


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