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La production politique de l'espace européen des transports à travers quatre modèles de territorialité
Antoine Beyer  1@  
1 : Laboratoire de géographie Mobilités, Réseaux, Territoires, Environnements  (MRTE)  -  Website
Université de Cergy Pontoise : EA4113
Université de Cergy-Pontoise U.F.R. Lettres et Sciences humaines 33 boulevard du Port 95011 Cergy-Pontoise Cedex -  France

Une approche des transports en Europe par l'analyse des régimes de pouvoirs politiques.

Notre propos engage une lecture critique de l'idéologie territoriale des transports, comprise comme un ensemble de valeurs, de représentation et de pratiques qui soutiennent une forme de pouvoir. Les transports apparaissent en effet comme un vecteur central de la dynamique d'intégration européenne. Très présente dans les représentations communes comme dans les discours des élites européennes, cette hypothèse repose sur la dimension fonctionnelle des transports, support indispensable à la mobilité des hommes et des biens. Or précisément, l'imaginaire politique lié aux transports comme vecteur de territorialisation, notamment à l'échelle européenne, reste trop peu interrogé, surestimant l'effet le rôle d'anticipation ou d'accompagnement des réseaux dans l'unification politique.

Dans les transports, la lecture classique portée par les institutions communautaire est celle d'une progressive convergence européenne et de l'approfondissement au fil des traités communautaires. Pourtant, le discours minimise sciemment les acquis antérieurs et fait l'économie des étapes intermédiaires, souvent tâtonnantes. Il passe ainsi sous silence la longue mise sous le boisseau de la politique commune des transports qui n'a paradoxalement pas interdit l'intégration européenne. Ce point mérite d'être questionné.

L'intérêt de restituer l'historicité longue de l'espace européen des transports

L'approche centrée sur la seule dynamique communautaire tend à laisser de côté les autres instances paneuropéennes et internationales qui ont vu le jour bien avant la CEE et à écarter le poids toujours fort des politiques nationales. Il est donc important de revenir sur les alternatives politiques qui s'offraient de manière concurrente aux Etats européens au lendemain de la Seconde guerre mondiale voire après la Première Guerre. Effacer l'expression de la conflictualité des options en présence et de l'inventivité institutionnelle réduit du même coup la profondeur d'analyse et la singularité de la démarche communautaire. Elle empêche aussi de comprendre les questions laissées en suspens dans les textes des traités. Elle interdit enfin de bien comprendre comment se structure la géographie actuelle du système.

Or, dans les transports, l'intégration européenne s'est faite de manière progressive sur un temps beaucoup plus long qu'ordinairement envisagé. L'analyse nous a amené à envisager plusieurs modèles qui s'appuient sur des référents historiques distincts quant à leur visées idéologiques et dans leurs expressions territoriales ; au nombre de quatre, ils définissent autant d'entrées avec leurs héritages durables sur le plan fonctionnel, institutionnel et spatial qui seront explicités dans l'exposé :

- le modèle national ;

- l'internationalisme gouvernemental ;

- le modèle transnational ;

- le modèle communautaire ;

La succession historique des modèles n'est que partielle, aussi l'espace européen des transports résulte plus de la juxtaposition que de la succession des modèles mentionnés. Cette interprétation permet de prendre en compte la persistance des systèmes hérités, non seulement par leurs données techniques (implantation, normes), mais du maintien durable des niveaux de pouvoir qui les ont engendrés. Ce que l'on pourrait de prime abord interpréter comme une succession temporelle relève en fait d'une coexistence spatiale.

Les structures matérielles et institutionnelles qui encadrent le champ des transports laissent plus clairement apparaître les systèmes de valeur en jeu et la complexité de leurs interactions. C'est dans cette perspective qu'il nous a semblé crucial de revenir à l'épaisseur historique et idéologique dans la conception des systèmes de transport pour mettre en lumière le rôle qu'on entend leur faire jouer dans le récit territorial.

Notre présentation se propose de détailler l'espace européen des transports comme la superposition même de ces différents régimes de territorialités avec les inadaptations et les tensions locales qui peuvent en résulter. Elle permet d'appréhender la complexité fonctionnelle et institutionnelle du système européen des transports.

La communication présente de manière synthétique les résultats d'un travail d'habilitation soutenu sur le sujet.

 

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