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Les architectes font parler les cartes : retour sur une expérience pédagogique
Axelle Thierry  2, 1, *@  
2 : Ouvroir de cartographie potentielle  (OUCARPO)  -  Website
Ouvroir de cartographie potentielle
1 : Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Malaquais  (ENSA-PM)  -  Website
Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Malaquais
* : Corresponding author

Cette proposition revient sur le travail que j'ai encadré en février 2017 pendant un workshop (« intensif ») d'une semaine avec quinze étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Paris-Malaquais dont l'objectif était d'ouvrir les étudiants à de nouveaux questionnements et pratiques : la marche comme méthode de travail et outil d'investigation des lieux, géographie et lecture du paysage, appréhension du territoire, représentation et cartographie...

L'intensif “La ville, notre horizon” a été présenté aux étudiants de la manière suivante : “Un voyage à quelques minutes de chez vous. Imaginez un panorama sur la ville, la métropole parisienne à vos pieds, le coteau de Saint-Cloud dans votre dos... Carnet à la main et bien chaussés, vous sillonnez le même territoire plusieurs jours d'affilée, épuisant les innombrables caractéristiques rencontrées jusqu'au moindre petit détail urbain. Un intensif qui repose sur l'expérience de la marche, l'enquête, pour embrasser de façon large l'actualité de la ville, affuter son regard, se familiariser au paysage, s'interroger sur la fabrique contemporaine des territoires franciliens...”

L'immersion immédiate dans le territoire a constitué le socle de l'intensif : d'abord durant une journée entière, puis lors d'immersions plus courtes, couplées à des exercices. A l'instar de la « Tentative d'épuisement d'un lieu » de G. Pérec sur la place Saint-Sulpice, les étudiants ont expérimenté l'épuisement d'un même territoire, générant ainsi une découverte graduelle des lieux arpentés. Chaque jour les protocoles ont variés suscitant des regards différents au delà de l'unité de lieu. L'intensif a été structuré autour de trois temps pédagogiques :

  •  des expériences sensorielles : trois marches (temps d'expérimentation), associées à une découverte de panoramas sur la ville (temps d'assemblage et synthèse).

  • des interventions et conférences en salle (temps d'ouverture et de découverte), complémentaires aux marches, afin d'introduire un certain nombre de thèmes et problématiques, mais aussi d'enclencher des questionnements sur les différents sujets abordés.

  • des moments d'échanges et des séances de production en vue d'une restitution du territoire parcouru (temps d'effort et de production). 

Le territoire choisi s'étendait de Nanterre à Meudon et présentait une richesse de situations, une topographie très marquée et plusieurs panoramas : Mont Valérien, Grande Arche de la Défense, parc de Saint-Cloud, terrasses de Meudon... Les tracés des itinéraires étaient issus de mes propres expériences de marcheuse et ont été préalablement sélectionnés comme terrain d'expérimentation pour l'exercice. D'abord en groupe puis individuellement, les étudiants ont notamment été amenés à explorer le territoire, à parcourir des tissus urbains contrastés, à préciser la terminologie architecturale, urbaine et paysagère, à se repérer sur une carte et dans l'espace, à décrypter des cartes de différente nature (historique, géologique, hydraulique...).

Sur la base de ces arpentages, les étudiants ont alors identifié les limites et frontières dans le territoire, caractérisé le paysage, identifié les qualités et dysfonctionnements de l'espace urbain, raconté les façons d'habiter, présenté les lieux traversés sur la base du vécu et de la perception sensorielle de la marche, inventorié ce que l'oeil a capturé.

Enfin, il a été demandé aux étudiants de produire par groupe une carte « sensible » restituant le paysage d'un tronçon du territoire. Il s'agissait d'exploiter les exercices précédents et la diversité des sujets abordés pour reconstituer un «panorama», une mise en récit commune du territoire traversé.

Les étudiants ont été encouragés à expérimenter différents modes de représentation et à opérer un « saut d'échelle ». Ils ont pris de la distance vis à vis des cartes analytiques qu'ils produisent habituellement (cartes vectorielles, à l'échelle, utilisant parfois des données SIG) pour une approche plus libre : correlation entre topographie et vues proches et lointaines sur le grand paysage ; réinterprétation de la structure spatiale de la ville de Sèvres en faisant une transposition médiévale fanstamée des relations entre le centre et ses abords ; représentation du quartier de la Défense comme un ensemble d'organes irrigué par un reseau vasculaire...

Les fragments du territoire, racontés différemment selon les équipes, leur ont permis de faire état de la multiplicité de ce qui compose la ville et combien sa complexité peut-être riche et support de pistes lors de la conception architecturale.

 

La communication détaillera le processus pédagogique en s'appuyant sur le corpus de cartes produit, à mi-chemin entre production artistique, récit sensoriel, représentation paysagère, dessin de relevé. Et elle interrogera la façon dont les architectes et urbanistes qui fabriquent le territoire peuvent exploiter l'outil cartographique et son potentiel : comment exploiter des données tout en s'en affranchissant pour faire parler autrement les cartes ?


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