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Propositions pour une formalisation (carto)graphique des mobilités individuelles. L'exemple d'un récit biographique
Francoise Bahoken  2, 1@  
2 : Géographie-cités  (GC)  -  Website
CNRS : UMR8504, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, Université Paris VII - Paris Diderot
13 rue du Four - 75006 Paris -  France
1 : UR Systèmes Productifs, Logistique, Organisation des Transports, et Travail  (IFSTTAR-AME-Splott)  -  Website
Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (UPEMLV)
Cité Descartes 14-20 Bd Newton 77447 Marne-la-Vallée cedex 2 -  France

La représentation graphique des voyages ou, plus généralement, des déplacements individuels dans un espace géographique est une pratique ancienne. Les hommes se sont de tous temps déplacés, les documents graphiques qui illustrent jusqu'au XIXe siècle leurs itinéraires de voyage correspondent d'ailleurs aux plus anciennes cartes. Celles-ci sont réalisées à partir d'informations qualitatives, majoritairement issues de récits de voyage (Bahoken, 2009).

La tradition de cartographier des parcours semble trouver son origine dans la retranscription des voyages royaux, formant un genre littéraire spécifique. C'est ainsi que le récit du voyage en France du jeune roi Charles IX (entre 1564 et 1566) a fait l'objet d'analyses succulentes (Boutier et al., 1984). A la suite des guerres de religion, C. de Médicis alors régente entreprend de faire connaître à son jeune fils son royaume en organisant un véritable tour de France royal qui va mettre en exergue, sans pourtant les représenter, les épisodes de mobilité qui ont toujours accompagné l'exercice du pouvoir (Boutier & al., 1984 : 348-349). La thèse de D. Versavel (2000) apporte une première analyse illustrée de quelques cartes de voyages présidentiels réalisés durant l'entre-deux guerres ; N. Mariot (2006) proposera ensuite une analyse cartographique des itinéraires présidentiels français depuis Paris, des localités visitées au cours des mandats dans une perspective socio-historique. L'intérêt pour la représentation graphique des itinéraires et lieux des récits n'est pas réservé aux personnalités politiques. Les explorateurs, des scientifiques tels que W. Darwin ou le docteur Barth en Afrique (1848-1855) voient leurs itinéraires représentés sur des cartes.

Sur le plan méthodologique, la restitution graphique de ces itinéraires quels qu'ils soient correspond à deux principales modalités. D'une part, la figuration du cheminement en lui-même, c'est-à-dire la matérialisation du parcours par la figuration des voies empruntées entre les localités, c'est la « carte d'itinéraire » (CFC, 1990). D'autre part, la symbolisation approximative (ou une reconstitution) du cheminement effectué : c'est la carte de déplacements. La carte d'itinéraire correspond donc à la retranscription précise des voies sur une carte (topographique), du cheminement effectué dans la réalité. Ce type de carte représente donc un mouvement individuel observé dans un espace-temps donné. Q. Morcrette (2016) en a récemment présenté une typologie. La carte de déplacements est fondamentalement différente de la précédente, en ce sens qu'elle résulte d'une retranscription graphique généralement imprécise de la circulation entre plusieurs lieux, pas nécessairement d'un cheminement. C'est pourquoi elle ne décrit pas nécessairement un mouvement (Bahoken, 2016). Elle présente en revanche une visée davantage analytique que descriptive, différents aspects du déplacement pouvant être représentés en complément d'autres informations (par exemple, la durée de présence en un lieu), ce qui n'est généralement pas le cas des cartes d'itinéraires, la visée apparaît en première instance limitée à la représentation d'un cheminement. Les cartes d'itinéraires et de déplacements sont donc fondamentalement différentes, la seconde étant obligatoirement rétrospective et analytique, tandis que la première, descriptive, pouvant également être prospective. Aussi allons-nous restreindre notre propos à la carte de déplacements.

La cartographie d'un déplacement dans un espace conduit à la représentation graphique d'un (ou de plusieurs) trajet(s formant une trajectoire), chacun intervenant dans la vie d'un individu à un moment donné de sa journée ou de l'année ; à un (ou plusieurs) événement(s) quotidien(s), annuel(s) ou biographique(s). La navette, le changement de résidence ou la migration sont autant de types d'événements qu'il est possible de représenter graphiquement, autant de trajectoires qui, si elles sont certes différentes sur le plan conceptuel, thématique ou sémantique, possèdent un dénominateur commun : la similarité du processus de retranscription graphique. C'est pourquoi nous faisons l'hypothèse qu'il est possible de formaliser la représentation graphique de ces déplacements individuels.

L'objectif de cette communication est de proposer une formalisation graphique des mobilités individuelles observées à différentes échelles spatiales et ou temporelles. Elle est menée dans le cadre d'une approche compréhensive des différents concepts mobilisés dans l'analyse des déplacements. Pour ce faire, nous allons mobiliser un récit biographique constitué à partir d'un entretien semi-directif, fictif mais plausible. La narration qui en découle est appréhendée comme un outil pratique de documentation sur les événements de l'enquêté. Nous présentons d'abord la narration, avant un relevé d'informations portant sur le vécu familial, professionnel et résidentiel de l'individu. Nous repositionnons ensuite ces informations dans le cadre théorique de l'analyse spatiale en géographie, en lien avec les aspects sémiologiques (Bertin, 1967). La reconstruction des différentes mobilités ainsi que leur formalisation sous la forme de trajectoires, formées par l'enchaînement et la combinaison de différentes positions occupées par l'individu au cours du temps subit enfin une épreuve graphique formelle (Bahoken, 2016) sous différentes formes (diagrammes et cartes) et une confrontation avec des résultats antérieurs (André-Poyaud, Bahoken, 2010 ; Bahoken, Gauvin, 2006). L'analyse ouvre la voie vers une typologie des méthodes de représentation de déplacements individuels.


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