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Les pratiques de réemploi et d'achat d'occasion en ressourcerie. Pour une consommation locale et un engagement au sein du territoire, exemple de deux ressourceries parisiennes.
Fanny Rassat  1@  
1 : Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces  (LADYSS)  -  Website
Université Paris Diderot - Paris 7
Université Paris Ouest Nanterre La Défense Bâtiment T 200 avenue de la République 92001 Nanterre cedex -  France

Cette présentation s'intéresse aux ressourceries, lieux de réemploi d'objet d'occasion dont l'essor est notable en France depuis 2010. Il s'agit de structures qui ont pour vocation de récupérer et valoriser des produits d'occasion ou usagés. Ce développement s'appuie sur un contexte plus large, au sein de l'Union Européenne, sur des politiques locales de prévention des déchets encouragées par la directive européenne 2008/98/CE du 19 novembre 2008 qui hiérarchise les modes de traitement de déchets en privilégiant la prévention et le réemploi des objets. Parmi les diverses actions mises en place à destination des habitants pour réduire la production de déchets (tri à la source, interdiction des sacs plastiques), nous nous intéressons plus particulièrement au réemploi, où il n'est plus question de déchets, mais d'objets déchus, que l'on considère comme marchandises d'occasion pouvant être utilisées à nouveau pour son usage initial par un autre usager (selon la définition du réemploi, article L. 541-1-1, code de l'environnement (ADEME, 2012)).

Chaque pays européen a mis en place sa propre politique de prévention des déchets. Ainsi, au Royaume-Uni, les charity shops, les ventes de garages, les sites d'échanges en ligne constituent autant de pratiques qui entrent dans le cadre de l'économie circulaire (Gregson et al. 2015). En Suède, le ReTuna Aterbruksgalleria est le premier mall dédié au réemploi qui vient d'ouvrir à proximité d'un centre de recyclage. En France, outre le soutien aux associations d'éducation à l'environnement, de lutte contre le gaspillage qui prônent le Do it your self, les ressourceries constituent le principal outil de réemploi par la revente, encouragées par les collectivités locales. À Paris, la municipalité soutient l'installation d'une ressourcerie associative par arrondissement d'ici 2020. Ces lieux de réemploi s'appuient sur des formes de commerces préexistantes (brocante, centre commercial, boutique de quartier) tout en cherchant à renouveler les modes et l'expérience de consommation.

La consommation d'occasion n'est pas un phénomène nouveau et a été largement étudiée, mais elle présente un intérêt certain dans la mesure où il s'agit d'un « puissant révélateur de la consommation postmoderne et des attentes insatisfaites à travers les circuits classiques » (Roux 2005). Au Royaume-Uni, Crewe et Gregson (2003) ont largement contribué à l'étude des espaces de consommation d'occasion en géographie du commerce. Elles ont ainsi montré le caractère alternatif de ces lieux où les conventions du commerce traditionnel sont remises en question par l'ouverture à différentes catégories de population, par la critique de la surconsommation et par la valorisation de nouvelle expérience de consommation (Mermet, 2016). Dans ce contexte, les travaux de géographie du commerce francophones associant commerce d'occasion et recherches sur les déchets sont encore peu nombreux (Balan, 2016; Benelli et al., 2014). Les ressourceries font l'objet de publications récentes en sociologie (Corteel 2016; Corteel, Rétif 2013) mais leur lien avec le quartier d'implantation, l'expérience de consommation reste peu exploré.

Notre présentation se concentre sur deux ressourceries parisiennes en s'appuyant sur des entretiens avec les responsables des structures, des bénévoles, une enquête auprès des usagers et une observation participante de plusieurs mois. Ce travail s'inscrit plus globalement dans une recherche doctorale et une enquête auprès d'une quarantaine de porteurs de projet, responsables de structures, élus, et fonctionnaires territoriaux chargés des politiques de réemploi des objets.

Lors de cette présentation, nous verrons en quoi les ressourceries illustrent de nouvelles formes d'échanges marchands et non marchands qui s'inscrivent dans une réaffirmation du local.

Nous étudierons le territoire dans lequel s'est implantée la ressourcerie du 11e fruit d'un militantisme local très important en faveur du développement de lieu culturel et d'échange ouvert sur son quartier. À la Ressourcerie du 14e, nous nous intéresserons aux relations qu'elle développe avec son environnement local, dans le cadre de l'occupation temporaire de friche urbaine. Puis, nous analyserons les messages que veulent transmettre les porteurs des structures et leur réception par les usagers à travers l'analyse de leurs usages et perceptions de la ressourcerie. Nous verrons ainsi que les pratiques ne font pas uniquement référence à l'alter consommation (Boivin, Lemarchand 2014) mais qu'ils participent, par la création de lieux de rencontre et d'échange, à l'édification d'un sentiment d'appartenance au quartier (Humain-Lamoure 2007).


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