La réforme de l'asile en France du 29 juillet 2015 vise à homogénéiser l'accueil des demandeurs d'asile entre les régions au moment où le processus de l'accueil de cette catégorie de migrants, qui relève à la fois du champ de l'action politique et celui de l'action sociale, est caractérisé par une hétérogénéité qui découle de l'action d'acteurs hétéroclites (Santamaria, 2008)[1]. Cette réforme, visant à « désengorger »[2] les camps de migrants présents notamment à Calais et Paris, intervient dans un contexte politique de suspicion des « faux réfugiés », c'est-à-dire ceux qui ne relèvent pas du statut de la convention de Genève de 1951.
Cette suspicion engendre des violences psychiques et parfois physiques (Mekdjian, 2016)[3]. Les questions posées par les instances en charge de l'étude des dossiers des demandeurs d'asile en France, comme c'est le cas d'ailleurs dans d'autres États, se basent sur les discours narratifs des migrants. Les entretiens semi-directifs constituent une dimension souvent utilisée dans la recherche en sciences humaines et sociales. « Or, certains aspects formels peuvent rappeler les audiences administratives aux sujets interviewés, notamment le face-à-face discursif, le jeu des questions/réponses, l'injonction à « se raconter » » (Mekdjian, 2016, p. 152). A partir de ce constat, quelle méthodologie de recherche adopter pour demander aux demandeurs d'asile d'évoquer des dynamiques de leur projet migratoire ?
L'apport de la géographie par l'utilisation des cartes mentales constitue un élément central pour répondre à cette problématique autour de laquelle s'articulent des enjeux sociaux, spatiaux, politiques, économiques et des enjeux d'accès aux espaces publics (Arfaoui, 2017)[4]. Cette communication s'appuie sur les résultats empiriques de notre terrain d'étude entamé en master 2 et que nous poursuivons, aujourd'hui, dans le cadre de notre thèse de doctorat sur le pilotage national versus coproduction territoriale de l'accueil des demandeurs d'asile dans les territoires non-métropolitains réalisée sous la direction de Jean-Charles EDOUARD et Mauricette FOURNIER.
Dans un premier temps (1), cette communication s'attachera à analyser les processus d'accueil des demandeurs d'asile en France et le contexte politique de suspicion de faux réfugiés en se basant sur les entretiens semi-directifs réalisés avec différents acteurs institutionnels et associatifs. Ensuite (2), il s'agira de présenter nos premiers résultats de recherche en soulignant l'apport des cartes mentales dans la compréhension des dynamiques d'une migration contrainte et ses implications, à l'échelle locale, dans les territoires non-métropolitains. Des cartes, figures et images illustreront notre présentation.
[1] SANTAMARIA Magalie. (2008), Politique nationale de l'asile et enjeux locaux : Etude comparative de l'accueil des demandeurs d'asile dans les Bouches-du-Rhône, l'Isère et le Rhône (1999 – 2005), Thèse de science politique, Aix-Marseille : IEP Aix en Provence, 468 p.
[2] Il s'agit des termes souvent utilisés par les acteurs politiques pour désigner les opérations de relocalisation des migrants des métropoles et de Calais vers d'autres départements et notamment dans des territoires non-métropolitains.
[3] MEKDJIAN Sarah. (2016), Les Récits migratoires sont-ils encore possibles dans le domaine des Refugee Studies? Analyse critique et expérimentation de cartographies créatives. ACME: An International E-Journal for Critical Geographies vol.1 (15), 150-186.
[4] ARFAOUI Rafik. (2017), Recherches sur la migration des demandeurs d'asile : Des limites méthodologiques liées aux aspects psycho-sociaux à l'apport de la géographie par l'utilisation des cartes mentales. Acte du colloque « Trajectoires migratoires et santé autour de la naissance : regards croisés sur les pratiques et la recherche », Bruxelles, https://perinatmigrant.sciencesconf.org/data/pages/texte_Rafik_ARFAOUI.pdf