La géographie du transport militaire aérien des principales puissances européennes
Ivan Sand  1@  
1 : Institut Français de Géopolitique (Université Paris 8)  (IFG)  -  Website
Institut français de géopolitique

 

Le 28 mars 2017, un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale alertait les parlementaires sur les « failles françaises du transport militaire aérien »[1]. Il insistait notamment sur la faiblesse des capacités patrimoniales, qui ne couvrent qu'environ un quart des besoins. Surtout, le rapport insistait sur le fait que malgré la montée en puissance à venir de l'Airbus A400 M, les armées françaises resteraient fortement dépendantes de solutions extérieures quant au transport aérien stratégique.

 Ce document a connu un important écho médiatique, le journal Le Monde parlant par exemple des « affaires troubles du transport aérien militaire »[2]. Pourtant, ce constat n'est en rien nouveau et ne concerne pas que la France. Conscientes de l'existence de ce que les militaires nomment un « trou capacitaire », les principales armées européennes ont conçu plusieurs mécanismes à même d'y répondre. Conclus entre certains pays de l'Union Européenne, ces derniers peuvent consister en un échange de service fondé sur le troc d'heures de vol (mécanisme ATARES[3]), comme en une plateforme de partage et de mise en commun des moyens patrimoniaux de chacune des armées (EATC[4]). Ils viennent s'ajouter à d'autres solutions d'externalisation comme le contrat SALIS[5], passé par l'agence de soutien de l'OTAN avec une entreprise allemande, ou encore dans le cas de la France à un marché à bons de commande d'affrètement d'avions cargo dont le mandataire est la société International chartering systems (ICS).

Dans ce contexte, quels sont ainsi les enjeux de pouvoir que concentre le transport militaire aérien des principales puissances européennes et sur quels territoires ceux-ci s'exercent-ils ? Après une première partie consacrée à un état des lieux des moyens patrimoniaux de ces États et des mécanismes européens d'externalisation, nous nous attacherons, dans une seconde partie, à étudier les dynamiques territoriales de cette capacité indispensable à la projection des armées dans des délais très courts. Enfin, la troisième partie s'appuiera sur le cas d'étude de l'opération Serval au Mali en 2013 en vue de rendre compte des possibilités de coopération des armées européennes dans le domaine du transport aérien.

La géographie des opérations récentes des armées françaises est exceptionnelle compte tenu de l'étendue de ses zones de déploiement. Alors que l'engagement français en Afghanistan se concentrait sur deux régions, la Kapisa et le district de Surobi, c'est-à-dire sur 30 000 km2 au total, les territoires des opérations Barkhane (Sahel), Chammal (Proche-Orient) et Sangaris (République centrafricaine) couvrent des pays entiers et se comptent en millions de km2. De plus, ces territoires sont discontinus et éloignés de la métropole. Les distances entre Paris et les principales bases de théâtre et bases logistiques de ces opérations sont comprises entre 3 000 km et un peu plus de 5 000 km dans le cas de Bangui et d'Abou Dhabi. Enfin, parmi ces trois principaux théâtres d'opération, deux sont enclavés ou sans façade maritime et requièrent donc un effort accru de la part des unités de transport aérien.

L'évolution récente des missions et des zones d'intervention des armées européennes, et françaises en particulier, impose aux autorités politiques et militaires de raisonner en termes de flux. Les engagements d'aujourd'hui forment un ensemble très vaste dont le commandement doit être en mesure de déplacer le barycentre en fonction de l'urgence des besoins opérationnels. Les vecteurs de transport aérien constituent dès lors un moyen idéal pour opérer ces bascules le plus rapidement possible a­n d'être en mesure de surprendre un ennemi de plus en plus volatil.

 


[1] Rapport d'information déposé par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire relatif au transport stratégique et présenté par M. François Cornut-Gentille, enregistré à la Présidenced de l'Assemblée nationale le 28 mars 2017.

[2] « Les affaires troubles du transport aérien militaire », Le Monde, édition du 28 mars 2017.

[3] Air Transport & Air to air Refueling and other Exchange of Services.

[4] European Air Transport Command.

[5] Strategic airlift interim solution.

Le 28 mars 2017, un rapport parlementaire de la commission des finances de l'Assemblée nationale alertait sur les « failles françaises du transport militaire aérien »[1].


[1] Rapport d'information déposé par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire relatif au transport stratégique et présenté par M. François Cornut-Gentille, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mars 2017.

 


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