Street Art : des initiatives individuelles et spontanées à l'incorporation dans le système économique mondialisé
Isabelle Dumont  1@  
1 : Università degli Studi Roma Tre (ITALY)  -  Website
Dipartimento di Studi umanistici, Università degli Studi Roma Tre Via Ostiense, 234-236 00144 Roma -  Italie

De New York à Rio de Janeiro, de Bristol à Moscou, de Nairobi à Shanghai, certaines rues de toutes les grandes villes contemporaines abritent de plus en plus souvent des œuvres de tailles et de styles aussi différents que les images et les messages qui y sont proposés : « œuvres banales ou géniales, petites comme un timbre-poste ou grande d'une centaine de mètres carrés, réalisées en pleine nuit à la sauvette ou inversement grassement payées par les municipalités » (D. Dogheria, 2015, p. 13). Toutes ces œuvres trouvent leur place dans la vaste galaxie communément appelée street art, un phénomène qui sans aucun doute entretient des relations polymorphes avec la réalité urbaine.

L'utilisation créative des murs n'est pas une nouveauté mais celle-ci s'est enrichie progressivement en révélant entre autres les changements sociaux, culturels voire idéologiques des sociétés en général ou en reflétant les simples succès ou frustrations de tel ou tel individu ou groupe social.

Cette contribution se concentre sur plusieurs études de cas italiens pour montrer comment la street art peut se développer en suivant des dynamiques complètement opposées. On trouve aussi bien une street art associée à la créativité endogène dans un quartier difficile (cf. le cas de Librino à Catane) qu'une street art insérée dans certains projets urbains parrainés par la Ville de Rome avec un montage financier pluriel, impliquant de nombreux artistes internationaux.

Si la street art est souvent née dans des quartiers en difficulté, il est également vrai qu'elle peut se révéler un instrument efficace de requalification urbaine. Cette contribution se propose en outre d'explorer les éventuelles relations entre cette approche de la street art et les théories de Richard Florida sur l'importance d'attirer les classes créatives dans la ville pour stimuler ultérieurement leur développement. La street art concerne également le secteur privé qui finance des œuvres pour revaloriser un simple bâtiment ou toute une aire, faisant ainsi augmenter les prix immobiliers. Le même type d'expression artistique est donc utilisé par des acteurs différents tantôt pour accélérer la revalorisation d'un espace tantôt pour protester contre la gentrification de ce même espace.

Il y a par ailleurs la question controversée de la « muséification » des œuvres de street art. En effet, cette pratique pour beaucoup très contestable et contraire à l'essence même de la street art risque de dénaturer des œuvres conçues pour être dans l'espace public et accessible à tous. Enfin, la déclinaison touristique de la street art constitue un ultérieur aspect intéressant à analyser : dans certaines grandes villes, la street art est entrée de plain-pied dans l'offre touristique grâce à l'organisation de visites guidées spécifiques.

Il semblerait donc que la street art, comme cela arrive souvent pour d'autres phénomènes plus ou moins alternatifs, soit susceptible d'être rattrapée et remodelée par les dynamiques du système capitaliste mondialisé.


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