La ville en tous sens
Pascal Clerc  1@  
1 : Université Lyon 1 ESPE
Université Claude Bernard Lyon 1

La géographie peut être appréhendée comme une construction scientifique qui met le monde à distance pour tenter de le comprendre. D'un autre point de vue, elle peut aussi être un savoir plus intime de la terre, éprouvé à travers des expériences sensorielles. Le projet de cette communication est de tenter de lier ces deux approches, de nourrir la connaissance scientifique par la pratique personnelle et sensorielle.

Je présenterais différents types de parcours effectués dans des espaces urbains, des parcours proposés à des étudiants ou de simples curieux, ou encore des parcours que j'effectue selon un protocole précis. Dans tous les cas, il s'agit d'appréhender l'espace urbain par les sens, de vivre des expériences spatiales, avant de les construire scientifiquement.

Première situation : prendre conscience des limites, des passages, des sutures de l'espace urbain ; le faire par la pratique avant d'analyser l'histoire de ce qui joint ou sépare des fragments de ville. Différentes expériences sont possibles : d'abord, commencer par un parcours imposé ou non entre deux fragments de ville, puis en faire une restitution par une production cartographique, des photographies ou des textes poétiques. Identifier ainsi ce qui se passe lorsque l'on passe d'un lieu à un autre, les passages faciles ou les résistances des espaces.

Deuxième situation : avec un groupe d'étudiants ou d'expérimentateurs curieux, partir de ce que l'on identifie comme étant le centre de la ville et marcher le plus directement possible jusqu'à ses limites. Cette expérience passe par des pauses, trois ou quatre selon le type de ville. Ces pauses sont l'occasion de faire le point et dans ce cas aussi écrire des textes poétiques. L'idée est d'expérimenter la centralité et la périphéricité urbaine, d'évaluer ce qui change lorsque l'on fait ce type de trajet, l'évaluer d'abord par les sens avant éventuellement de le formaliser. Cette expérience peut donner lieu à une restitution orale ou écrite : les paroles ou les textes sont rassemblés par type d'espaces ; ils donnent une couleur, une texture, aux différentes zones concentriques qui constituent en général la ville européenne.

Troisième situation : c'est une variante de la précédente et ce sera pour moi l'occasion de présenter un projet en cours. Sur une carte au 1/25 000ème, j'ai tiré seize droites partant de ce que j'ai défini comme étant le centre d'une ville. Le projet est de suivre le plus fidèlement possible ces seize droites et de marcher jusqu'aux limites de l'espace urbanisé. Donc appréhender la centralité, la périphéricité et ce qui conduit de l'une à l'autre, mesurer ce qui change quand on s'éloigne du centre. Le faire par le bas, en éprouvant les espaces, par des pratiques, sans passer dans un premier temps par un construit scientifique qui dirait des densités décroissantes, des seuils, des revenus par habitant ou des fonctions urbaines différenciées. Le faire en tâchant de recueillir des « impressions », en mobilisant les sens : la vue d'abord, l'ouïe ensuite, sans doute aussi l'odorat, peut-être un peu le toucher et le goût, et au-delà des sens m'imprégner des ambiances urbaines ; mettre cela en mots, faire des photos, localiser les lieux sur des cartes conventionnelles pour tenter ensuite d'en construire d'autres.


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