Se servir de la culture comme nouvelle stratégie politique attractive. Analyse du cas de Marseille.
Mathilde Vignau  1@  , Alexandre Grondeau  1, *@  
1 : Temps, espaces, langages europe méridionale méditerranée  (TELEMME)  -  Website
Université de Provence - Aix-Marseille I, CNRS : UMR7303
MMSH 5 Rue du château de l'Horloge - BP 647 13094 AIX EN PROVENCE CEDEX 2 -  France
* : Corresponding author

Depuis une trentaine d'années, les gestionnaires des collectivités locales vantent les atouts des secteurs culturels et créatifs pour redynamiser les quartiers métropolitains en difficulté (PFIRSCH, REITEL, 2014 ; EVANS, 2001, 2005). Dans de nombreuses analyses d'experts et de multiples discours d'élus, la culture et la créativité sont présentées comme en capacité de transformer les vulnérabilités urbaines en résiliences territoriales (MP2013, 2013 ; CCI, 2014) en particulier grâce au potentiel supposé de ces activités en matière d'attractivité territoriale.

Dans notre communication, la notion d'attractivité territoriale (HATEM, 2005 ; POIROT, GERARDIN, 2010 ; VERNIER, 2007 ; SEN, 2000 ; LAMARCHE, 2003) sera appréhendée comme la capacité d'une ville à attirer mais également à retenir de nouveaux acteurs économiques (entreprises, start-up, travailleurs...) et/ou territoriaux (nouveaux résidents, nouveaux touristes...). Nous l'analyserons de manière critique à la lumière des politiques culturelles et créatives mises en place par les pouvoirs publics en illustrant notre propos à travers l'exemple de la ville de Marseille.

Considérée comme une véritable porte entre l'Orient et l'Occident grâce au dynamisme de son complexe industrialo-portuaire jusqu'à la fin des années 1960, la situation socio-économique de la ville s'est considérablement détériorée au fil de multiples crises et mutations politiques, technologiques et industrielles (décolonisation, chocs pétroliers, difficultés économiques et sociales, évolutions des modèles industriels...). Elles ont provoqué des difficultés socioéconomiques graves affectant de nombreux quartiers de la ville jusque dans les années 2000.

A cette époque, la deuxième ville de France en nombre d'habitants souffre d'une très mauvaise image de marque confortée par un taux de chômage élevé et une situation socio-spatiale particulièrement dégradée (forte dichotomie entre les quartiers nord et sud, problèmes d'infrastructures, logements dégradés...). Face à ces lourds constats, les décideurs locaux ont souhaité amorcer un processus de résilience urbaine basé sur une stratégie d'attractivité territoriale elle-même fondée sur les secteurs clés de la culture et de la créativité. L'ambition affichée est de faire de ces secteurs les vitrines de la cité phocéenne en confortant et en accélérant une politique d'aménagement et de revalorisation de cadres de vie emblématiques de la ville : le front de mer, la Cannebière et le centre-ville, le quartier de la Belle de Mai.

L'obtention du titre de « capitale européenne de la culture » en 2008 s'est ajoutée à l'opération d'intérêt national Euroméditerranée, initiée depuis le début des années 1990, afin d'améliorer de manière considérable la qualité de vie des habitants de la ville. De nombreux équipements culturels spectaculaires ont alors émergé et transformé de manière importante l'image de la ville et son cadre de vie.

A partir de différentes études de terrains emblématiques marseillais, nous étudierons les résultats de ces politiques d'attractivité et leurs impacts métropolitains en essayant de répondre à ces questions :

- La nouvelle attractivité territoriale marseillaise basée sur la culture possède-t-elle une véritable originalité ou s'inscrit-elle plutôt dans la filiation des cas d'école de Glasgow, Bilbao ou Barcelone ?

- Par quels types d'opérateurs et de promoteurs et pour quels types de publics sont effectués les grandes transformations territoriales culturelles marseillaises ? Ont-ils rempli les objectifs que les collectivités locales et l'Etat leur avait fixés ?

- Les politiques publiques censées améliorer la qualité de vie marseillaise ne masquent-elles pas d'importantes limites socio-spatiales et des stratégies de renouvellement urbain excluant les populations les plus fragiles ?

 

 

Références :

COEURE B., RABAUD I., MADIES T., 2003, « Attractivité de la France : analyse, perception et mesure ; suivi d'un commentaire de Thierry Madiès », Economie et statistique, 363, 1, p. 97–127.

CCI, 2014, Impact MP2013 - Année Capitale Européenne de la Culture Plus de 10 Millions de visites, Numéro 3, février 2014, 4p.

EVANS G., 2001, Cultural Planning: An Urban Renaissance ?, London, Routledge.

EVANS G., 2005, « Measure for measure: evaluating the evidence of culture's contribution to regeneration », in Urban Studies, 42, 5-6, pp. 959-983.

HATEM F., 2005, « Attractivité du territoire : de la théorie à la pratique », L'industrie en France et la mondialisation.

LAMARCHE T., 2003, « Le territoire entre politique de développement et attractivité », Études de communication, 26.

LE ROY A., OTTAVIANI F., 2011, « Développer de nouveaux indicateurs de richesse afin de repenser l'attractivité territoriale ? », Colloque interdisciplinaire Aménagement-Économie-Droit-Géographie-Sociologie-Statistiques « Territoires, emploi et politiques publiques », Université de Metz.

MP2013, 2013, Marseille-Provence 2013, une année capitale !, diaporama de présentation, 54 diapositives.

NOURREDINE A., 2010, La localisation et l'attractivité territoriale des investissements directs étrangers : essai de modélisation économétrique, Thèse de Sciences Economiques, sous la direction de Ahmed RHELLOU, Université d'Ibn Zhor Faculté des Sciences Economiques et Sociales d'Agadir.

PFIRSCH T., REITEL B., 2014, « Editorial : Les grands équipements culturels dans les espaces industriels en reconversion : de la requalification urbaine aux projets métropolitains ? », in Belgeo [En ligne], 1 | 2014, mis en ligne le 15 décembre 2014, consulté le 28 janvier 2016. URL : http://belgeo.revues.org/12829

POIROT J., GERARDIN H., 2010, « L'attractivité des territoires : un concept multidimensionnel », Mondes en développement, 149, 1, p. 27.

SEN A., 2000, Un nouveau modèle économique. Développement, Justice, Liberté, Paris, Ed. Odile Jacob.

VERNIER M. (coor), 2007, « L'attractivité des territoires : regards croisés », Actes de Séminaire du PUCA, février-juillet.


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